Les voitures adoptent la pile
Science & Vie, mai 2001, No 2004
Renault, Nissan, PSA et d'autres planchent sur la voiture à pile à combustible, propre et pratique. C'est le projet Necar 5, de Daimler-Chrysler, qui semble le plus avancé. Sortie commerciale prévue en 2004.

Les ingénieurs de Daimier-Chrysler ont une idée fixe: équiper avant 2004 leur Mercedes Classe A d'une pile à combustible, tout en lui conservant des performances, une autonomie et une ergonomie comparables à celles des voitures à moteur classique.

Une pile à combustible, comme son nom l'indique, produit de l'électricité à partir d'un combustible, stocké dans un réservoir externe. La mise au point d'une telle pile s'accompagne donc nécessairement d'une réflexion sur le combustible lui-même: il doit être facile à stocker à bord du véhicule et compatible avec les infrastructures de distribution de carburant existantes.

principe de la pile à combustible
C'est là-dessus qu'ont achoppé les projets de pile fonctionnant à l'hydrogène liquide (voir Science & Vie n" 983, p. 98). Ce dernier, rappelons-le, est très délicat à entreposer; bien plus, par exemple, que le GPL. Car l'hydrogène se liquéfie à -253oC quand il est soumis à la pression atmosphérique. Pour le conserver à l'état liquide, il faut donc disposer de cuves et de réservoirs soit très fortement réfrigérés, soit capables de supporter d'énormes pressions. En outre, à l'état gazeux, l'hydrogène est très explosif et ses molécules, extrêmement petites, s'échappent par la moindre fissure. Le risque de fuite est donc élevé, et les fuites, extrêmement dangereuses...

Pour leurs piles à combustible, Daimler-Chrysler et d'autres constructeurs automobiles ont ainsi délaissé l'hydrogène au profit du méthanol. Premier avantage de ce carburant: il est aussi simple à manipuler que du super ou du gazole et ne nécessite aucune adaptation des stations-service. Il suffit de lui réserver une cuve, comme ce fut le cas pour l'essence sans plomb et pour le super 98. Du jour au lendemain, on pourrait faire le plein de méthanol à la pompe.

LES PROMESSES DU METHANOL

Second avantage: les sources à partir desquelles on peut produire du méthanol sont nombreuses - sous-produits de l'industrie pétro-chimique, gaz naturel, matières organiques en décomposition.

Mais la pile à combustible ne peut pas fournir de l'énergie directement à partir du méthanol car elle n'utilise que l'hydrogène de ce carburant (elle produit de l'électricité en dissociant les atomes d'hydrogène en électrons et protons). Entre le réservoir et la pile proprement dite, les constructeurs automobiles ont donc ajouté un dispositif qui extrait l'hydrogène du méthanol: le "reformeur". Jusqu'ici, pour fournir l'énergie suffisante à une voiture de tourisme, cet ensemble de production d'électricité était bien trop volumineux et pesant. Dans les premiers prototypes, il occupait toute la place du coffre et des sièges arrière.

Les ingénieurs se sont alors attelés à miniaturiser et à alléger le couple reformeur-pile. Et, surtout, à améliorer son rendement - autrement dit, à accroître la puissance électrique disponible. Chez Daimler-Chrysler, le dispositif a ainsi perdu 300 kg en moins de trois ans: désormais, tous les éléments du générateur électrique tiennent dans le double plancher du prototype Necar 5 (New Electric Car 5), dont l'apparence diffère peu de celle de la Classe A traditionnelle. Quant à la puissance, elle est passée de 50kW à 75 kW, soit 102 ch, ce qui devrait procurer une puissance réelle de 80 à 90 ch, compte tenu des pertes d'énergie mécaniques. Daimler-Chrysler annonce déjà une vitesse de 145 km/h et une autonomie de 600 km. Pour une voiture de tourisme, c'est très honorable.

Malheureusement, le coût de fabrication reste élevé, en partie à cause du platine utilisé, au sein de la pile, pour catalyser la séparation des électrons et des protons d'hydrogène. Depuis les balbutiements de la pile à combustible, la quantité de platine indispensable a été divisée par 1'000, mais il en faut encore près de 4 g pour assurer une puissance de 75 kW. Dans un premier temps, déclare-t-on chez Daimler-Chrysler, ces véhicules ne seront commercialement concurrentiels que si les Etats mettent en place des politiques d'incitation.

Alors, pourquoi le groupe s'est-il lancé dans de telles recherches? Pour répondre aux normes antipollution que certains Etats, telle la Californie, souhaitent faire appliquer, d'abord la norme SULEV (Super Ultra Low Émissions Véhicules: "super véhicules à émissions ultra-basses"), puis la norme ZEV (Zéro Émission Véhicules: "véhicules à émission zéro"). La filière méthanol satisfait amplement au cahier des charges SULEV. Rappelons que la pile à combustible elle-même n'est pas polluante. La seule émission qu'elle engendre est de la vapeur d'eau issue de la recombinaison de l'hydrogène avec l'oxygène de l'air. Mais le reformeur, lui, libère du dioxyde de carbone (C02) lorsque l'hydrogène (H) est extrait du méthanol (CH3OH). Certes, les quantités relâchées dans l'atmosphère n'ont rien de comparable avec celles issues d'un moteur à essence ou Diesel, même équipé d'un pot catalytique. La voiture électrique utilisant du méthanol est à la limite des normes ZEV. Des essais sur une flottille de prototypes sont en cours. Objectif: optimiser encore les performances du reformeur et atteindre le zéro émission. Autre argument de poids en faveur de ces véhicules, surtout en milieu urbain: le moteur électrique est réputé pour son niveau de bruit très bas, et le fonctionnement de la pile et du reformeur est totalement silencieux.

Si Daimler-Chrysler est le plus avancé des groupes automobiles en matière de voiture à pile à combustible, il est intéressant de voir de quelle façon Renault a abordé cette technologie. Le constructeur français avait entrepris des études dans ce domaine dès la fin des années 80. De ces recherches était né le projet Fever, qui déboucha en 1998 sur la réalisation d'un prototype (une Laguna Nevada) dont la pile utilisait l'hydrogène comme combustible. Un projet abandonné depuis en raison des problèmes que pose l'hydrogène.

Prototype Renault à pile à combustible
Explosif et encombrant
En 1998, Renault réalise ce prototype de Laguna équipé d'une
pile fonctionnant à l'hydrogène comprimé. La pile et l'énorme réservoir d'hydrogène occupaient le coffre et les sièges arrière. Le constructeur travaille maintenant sur une pile fonctionnant à l'essence ou au gazole

Lui succéda, en 1999 et 2000, un programme de réflexion beaucoup plus vaste: associant Renault, le groupe PSA et le ministère de la Recherche, ce programme visait à étudier des couples pile-reformeur capables d'exploiter du méthanol mais aussi de l'essence ou du gazole. Il ne s'agissait pas de mettre au point un véhicule purement électrique mais d'explorer toutes les applications de la pile à combustible.

DES VEHICULES MIXTES EN 2003

Parmi celles-ci, Renault en a retenu une qui pourrait être intéressante à court terme: l'intégration d'une pile de moyenne puissance servant de batterie auxiliaire pour alimenter un moteur électrique d'appoint. Renault dispose déjà de ce moteur. C'est l'Adivi (Alternateur-démarreur intégré au volant d'inertie, voir Science & Vie no 997, p. 148). Il s'assemble sur un moteur à essence ou Diesel standard. Les 5 kW d'électricité qu'il requiert pourraient être fournis par une pile à combustible fonctionnant à l'essence ou au gazole. Une transition en douceur pour le conducteur, un même plein de carburant alimentant à la fois le moteur traditionnel et la pile à combustible. Renault, en collaboration avec Nissan, pense commercialiser des voitures ainsi équipées dès 2003.

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